Quand j’étais en 5e, un copain de classe avait réussi à se faire dispenser de sport pendant presque tout un trimestre. À l’époque, j’avais trouvé ça incroyablement injuste. Pourquoi lui pouvait rester assis sur le banc pendant qu’on enchaînait les tours de piste ? C’est bien plus tard, une fois adulte, que j’ai compris : derrière une simple « dispense », il y avait souvent bien plus qu’un papier médical.
C’est ce que je veux partager ici. Pas juste une liste froide de motifs, mais un vrai regard sur ce que signifie demander – ou accorder – une dispense de sport. Parce qu’on parle de corps, d’histoire personnelle, et parfois même de fragilités invisibles.
Pourquoi demande-t-on une dispense ?
Il y a bien sûr les motifs évidents, ceux qui ne font jamais débat : un bras cassé, une entorse, une opération récente. Mais dans la réalité du terrain, en tant qu’éducateur ou simplement parent, on se rend vite compte que ce n’est pas toujours aussi limpide.
Parfois, c’est une douleur qui ne se voit pas. Une fatigue accumulée. Une maladie chronique qu’on ne veut pas étaler au grand jour. Ou un mal-être profond qui fait du gymnase un endroit insupportable.
Ce qu’on considère, médicalement parlant
Je vous ai regroupé ça dans un petit tableau pratique, histoire de s’y retrouver :
Motif |
Dispense acceptée ? |
Observations |
Fracture, entorse, tendinite |
✔ Oui, avec certificat médical |
La durée doit être précisée par le médecin |
Asthme sévère ou pathologie cardiaque |
✔ Oui |
Peut parfois justifier une inaptitude partielle |
Convalescence post-opératoire |
✔ Oui |
Justifie souvent une absence complète |
Infection virale ou bactérienne |
✔ Oui, temporaire |
Exemple : grippe, mononucléose, gastro |
Règles douloureuses |
❌ Non automatique |
À discuter avec le personnel médical ou enseignant |
Troubles psychiques (phobie, anxiété) |
🟡 Parfois, selon situation |
Nécessite souvent une discussion avec un professionnel de santé |
Motifs religieux |
🟡 Parfois |
Évaluation au cas par cas |
Ce que j’ai appris sur le terrain
Lors de ma première année d’enseignement, j’ai reçu un certificat manuscrit griffonné sur une feuille de cahier : « Pas de sport pour cause de stress. » Aucun tampon, aucune signature. Juste ça.
Ma première réaction a été de lever les yeux au ciel. Mais quelque chose m’a retenu. Je suis allé parler à l’élève, calmement. Et là, elle m’a raconté que les vestiaires, les regards, la peur de mal faire… tout ça la paralysait. Ce n’était pas du cinéma. C’était une souffrance réelle.
Je ne suis pas médecin, je n’ai pas donné de dispense. Mais on a adapté. Elle participait à la préparation, aux échauffements doux, elle notait les scores. Elle existait dans le cours, autrement. Et ça, pour elle, c’était déjà énorme.

Dispense partielle ou totale : quelle différence ?
Ce n’est pas tout ou rien. On oublie souvent qu’il existe plusieurs degrés d’aménagement :
- Inaptitude totale : l’élève ne peut pas pratiquer du tout.
- Inaptitude partielle : certaines activités sont possibles (par exemple, pas de course mais possibilité de marcher).
- Adaptation pédagogique : travail d’observation, arbitrage, analyse vidéo…
Et croyez-moi, pour certains, pouvoir contribuer autrement, c’est bien mieux que d’être absent.
Ce que dit concrètement la réglementation
L’Éducation nationale prévoit qu’une dispense de sport doit être justifiée par un certificat médical, daté et signé, mentionnant clairement la nature et la durée de l’inaptitude. Le certificat peut être adressé au médecin scolaire, mais souvent, c’est l’enseignant qui en prend connaissance.
Il est également précisé que la présence en cours est maintenue sauf mention contraire. Et là encore, tout dépend du contexte : si un élève a la grippe, évidemment, il reste chez lui. Mais si la blessure ne l’empêche pas d’être là, sa place reste dans le gymnase, même en tant qu’observateur.
Quelques situations particulières
Les règles douloureuses
Sujet encore tabou, souvent minimisé. Beaucoup d’adolescentes n’osent pas en parler. Et pourtant, pour certaines, les douleurs sont invalidantes. Ce que j’ai appris, c’est qu’il ne faut ni généraliser, ni juger.
On peut proposer un dialogue avec l’infirmière scolaire, une adaptation ponctuelle. L’idée n’est pas de « valider » ou « invalider » un ressenti, mais de respecter la parole et proposer un cadre sécurisant.
La phobie scolaire ou l’anxiété sociale
Encore plus invisibles. Le sport, surtout en groupe, peut cristalliser beaucoup de peurs : se montrer, être jugé, rater. Dans ces cas, travailler avec le médecin scolaire, les psychologues, les parents est fondamental.
Ce que j’aimerais qu’on retienne
Demander une dispense, ce n’est pas fuir. Ce n’est pas de la paresse. C’est parfois un appel à l’aide. Un besoin de temps. D’espace. D’écoute.
Et en tant qu’adulte, qu’on soit prof, parent, encadrant ou soignant, on a une responsabilité : regarder au-delà du papier.
Quelques conseils simples (et humains)
- Toujours dialoguer avec l’élève : comprendre le contexte, le vécu, la gêne réelle.
- Ne pas infantiliser : la douleur, même invisible, mérite d’être accueillie avec respect.
- Proposer des alternatives : être utile dans un cours sans courir, c’est possible.
- Impliquer les familles : une lettre ou un appel peut clarifier beaucoup de choses.
- Consulter les services de santé scolaire : ils sont là pour ça, et trop peu sollicités.
Pour aller plus loin : la question des examens
Quand l’EPS est évaluée au bac, une dispense peut être accordée si l’inaptitude est durable. Mais attention : cela ne se décide pas à la légère. Il faut un certificat médical circonstancié, une demande auprès du rectorat, et parfois un avis du médecin conseiller.
Autre option souvent oubliée : l’adaptation d’épreuve. C’est ce que nous avons fait pour un élève amputé de l’avant-bras : il a présenté une activité adaptée et a été évalué autrement. Et il a brillé.
Conclusion : une dispense, c’est aussi une histoire de confiance
On peut lire un certificat médical. Ou on peut écouter ce qu’il ne dit pas. Chaque dispense est unique. Elle raconte quelque chose d’un corps, d’un moment, parfois d’une détresse.
Alors oui, il faut un cadre. Oui, il faut vérifier, encadrer, poser des limites. Mais il faut surtout accueillir avec humanité.
Parce qu’un élève qui se sent entendu, respecté dans ses limites, c’est un élève qui, tôt ou tard, reviendra sur le terrain — avec confiance.
Et vous ? Vous souvenez-vous d’une dispense que vous avez demandée ou reçue ? D’un moment où vous auriez aimé être écouté autrement ? Je serais ravi de lire vos expériences.